Le Conseil constitutionnel déclare non-conforme à la Constitution l’obligation de payer le « forfait post-stationnement » préalablement à la saisine de la Commission du contentieux du stationnement payant (CCSP)
Publié le :
10/09/2020
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Il arrive très (trop) souvent que d’anciens propriétaires de véhicules soient confrontés à une situation inextricable mêlant arnaque du quotidien et lourdeur administrative. Ainsi en est-il lorsque le certificat de cession du véhicule n’est pas régulièrement enregistré par les Préfectures et/ou que l’acquéreur du véhicule « omet » (parfois volontairement) d’effectuer ses propres déclarations.
La situation aboutit régulièrement à ce que l’ancien propriétaire du véhicule se voie réclamer le paiement d’amendes (les « forfaits post-stationnement » majorés) résultant des infractions au stationnement payant commises par le nouvel acquéreur du véhicule. Chaque infraction peut impliquer un montant de 85€.
Ainsi, lorsque le nouvel acquéreur commet de très nombreuses infractions (vraisemblablement en toute connaissance de cause), le montant global réclamé peut représenter plusieurs milliers d’euros.
L’ancien propriétaire reçoit, un jour sans s’y attendre, un listing de toutes les infractions commises par l’acquéreur.
La Trésorerie émet alors à l’encontre de l’ancien propriétaire des titres exécutoires qui, s’ils ne sont pas contestés, seront recouvrés de manière forcée, ce qui constitue une situation profondément injuste.
La contestation de ces « forfaits post-stationnement » (quel que soit le motif de contestation) doit aujourd’hui être effectué devant une juridiction spécialement créée à cette fin, à savoir la Commission du Contentieux du Stationnement Payant (CCSP).
Or, l’article L.2333-87-5 du Code général des collectivités territoriales disposait que :
« La recevabilité du recours contentieux contre la décision rendue à l'issue du recours administratif préalable obligatoire et contre le titre exécutoire émis est subordonnée au paiement préalable du montant de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement et de la majoration prévue au IV de l'article L. 2333-87 si un titre exécutoire a été émis ».
Autrement dit, pour que la CCSP entende les doléances d’un ancien propriétaire de véhicule victime de la vraisemblable arnaque rappelée ci-dessus, il fallait obligatoirement (à peine d’irrecevabilité du recours) que celui-ci paye d’abord les amendes. À défaut, le recours était rejeté sans même que ses explications ou justifications soient entendues ou prises en compte.
Contacté par des victimes de cette arnaque qui, ne disposaient pas de la somme astronomique qui leur était réclamée (plusieurs milliers d’euros correspondant à plusieurs dizaines d’infractions de stationnement commise par l’acquéreur de leur ancien véhicule), le cabinet CASSEL avait dès décembre 2019 contesté devant la CCSP la constitutionnalité de cette exigence de paiement préalable.
L’argumentation principale était qu’une telle exigence était contraire au droit à un recours juridictionnel effectif à valeur constitutionnelle, rattaché à la garantie des droits consacrée par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (cf. Conseil Constitutionnel n° 2011-138 QPC du 17 juin 2011).
D’autres requérants avaient eu la même idée et ont invoqué des moyens logiquement identiques. Le Conseil constitutionnel a donc été saisi de cette difficulté après renvoi de la Question Prioritaire de Constitutionnalité par le Conseil d’Etat.
Pour apprécier la constitutionnalité d’une disposition qui impose le versement d’une somme d’argent pour permettre la recevabilité d’un recours et, donc, exercer un recours juridictionnel effectif, le Conseil constitutionnel effectue une mise en balance de ce droit constitutionnel avec l’objectif à valeur constitutionnelle de « bonne administration de la justice », qui était précisément invoqué pour justifier l’exigence de paiement préalable afin d’éviter les recours dilatoires de contrevenants qui, eux, seraient effectivement en tort et dont la dette ne représenterait, en général, qu’une somme relativement faible.
C’est ce qu’a fait le Conseil constitutionnel dans sa décision très didactique du 9 septembre 2020 (n°2020-855 QPC https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020855QPC.htm ) :
- « 6. En imposant ainsi que le forfait et la majoration soient acquittés avant de pouvoir les contester devant le juge, le législateur a entendu, dans un but de bonne administration de la justice, prévenir les recours dilatoires dans un contentieux exclusivement pécuniaire susceptible de concerner un très grand nombre de personnes.
- 7. Cependant, en premier lieu, si, conformément à l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales, le montant du forfait de post-stationnement ne peut excéder celui de la redevance due, aucune disposition législative ne garantit que la somme à payer pour contester des forfaits de post-stationnement et leur majoration éventuelle ne soit d'un montant trop élevé.
- 8. En second lieu, le législateur n'a apporté à l'exigence de paiement préalable desdits forfaits et majorations aucune exception tenant compte de certaines circonstances ou de la situation particulière de certains redevables.
- 9. Il résulte de tout ce qui précède que le législateur n'a pas prévu les garanties de nature à assurer que l'exigence de paiement préalable ne porte pas d'atteinte substantielle au droit d'exercer un recours juridictionnel effectif. Les dispositions contestées doivent donc être déclarées contraires à la Constitution »
La disposition est donc déclarée non-conforme à la Constitution avec effet immédiat et l’exigence de paiement préalable ne peut plus être appliquée, y compris, comme le précise le Conseil, aux recours déjà engagés devant la CCSP et non encore jugés définitivement.
Le Cabinet CASSEL se félicite d’une telle décision qui répond exactement aux attentes qu’il avait lui-même formulées dans le cadre de sa propre QPC.
Vincent DERER, avocat associé, responsable du département Droit public.
Lien vers la décision du Conseil constitutionnel : https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020855QPC.htm
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